La théorie du comportement planifié avec Melanie Paradis
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[Veuillez noter que le contenu du balado est traduit de la version originale anglaise.]
Dans cet épisode, Elizabeth Dubois s'entretient avec Melanie Paradis, présidente de Texture Communications, pour disséquer la théorie du comportement planifié et son application à la communication politique. Grâce à la vaste expérience de Melanie en matière de stratégie politique et de relations publiques, ainsi qu'à son rôle dans des campagnes politiques très médiatisées, cette discussion explore la façon dont les principes psychologiques sous-tendent les messages politiques efficaces et les stratégies d'engagement des électeurs.
Ressources complémentaires :
Elizabeth s'appuie sur la théorie du comportement planifié pendant l'épisode. Elle utilise l'application de cette théorie telle qu'elle est développée dans deux articles intitulés The Theory of Planned Behaviour: Reactions and reflections et Knowledge and the Prediction of Behavior: The Role of Information Accuracy in the Theory of Planned Behavior (en anglais).
Melanie souligne le rôle de la publicité des tiers dans le cadre des élections et de la défense des intérêts au Canada. Vous pouvez en apprendre davantage à ce sujet dans un article publié par Policy Options intitulé Third parties strive to become a driving force in elections (en anglais).
Melanie décrit la publicité « I’m trying something new » du Parti conservateur de la Colombie-Britannique (en anglais), diffusée en octobre 2024, comme un exemple de publicité ciblant les électeurs qui changent d'avis.
Tout au long de l'épisode, Elizabeth et Melanie font référence à l'ingérence étrangère et à l'impact de la désinformation sur la communication politique au Canada. Des thèmes similaires ont été abordés dans l'épisode du balado Wonks & War Room intitulé Propagande, communications gouvernementales et désinformation avec Shuvaloy Majumdar.
Melanie fait plusieurs références à la course à la direction du Parti conservateur du Canada de 2017, où Andrew Scheer a battu 13 autres candidats par une marge étroite. Pour en savoir plus sur cette course à la direction, consultez l'article de Hélène Buzzetti et Marie Vastel intitulé La course à la chefferie des conservateurs prendra forme cette semaine.
Collaborateurs :
Animatrice : Elizabeth Dubois
Responsable de la recherche : Hannah Anstey
Montage audio : Ayman Naciri
Traduction : Els Thant & Helena Legault
Publication et promotion : Helena Legault
Productrice : Michelle Hennessey
Transcription traduite de l'épisode : La théorie du comportement planifié avec Melanie Paradis
Lisez la transcription traduite ci-dessous ou téléchargez une copie dans la langue de votre choix :
Saison 7 Épisode 2La théorie du comportement planifié avec Melanie Paradis
Elizabeth: [00:00:05] Bienvenue à Wonks & War Rooms, où la théorie de la communication politique rencontre la stratégie sur le terrain. Je suis votre animatrice, Elizabeth Dubois. Je suis professeure associée et titulaire d'une chaire de recherche universitaire en politique, communication et technologie à l'Université d'Ottawa. Mes pronoms sont « elle » et « elle ». Aujourd'hui, nous parlerons de la théorie du comportement planifié avec Melanie Paradis. Melanie, pouvez-vous vous présenter, s'il vous plaît ?
Melanie: [00:00:24] Je m'appelle Melanie Paradis. Je suis la présidente de Texture Communications. Avant de fonder ma propre société de communication, j'ai travaillé dans la politique pendant de nombreuses années et dans le secteur privé en relations publiques pendant une quinzaine d'années. En politique, j'ai participé aux campagnes provinciales et fédérales des leaders conservateurs, dans les cellules de crise nationales et provinciales, et j'ai probablement eu trop de plaisir à travailler au bureau du chef de l'opposition, même si ce n'était que pour une courte période, alors qu'Erin O'Toole était le chef de l'opposition.
Elizabeth: [00:00:58] Merveilleux. Merci beaucoup de vouloir discuter avec moi aujourd'hui. Nous parlerons de la théorie du comportement planifié, et je pense que toute votre expérience dans les cellules de crise et dans la communication politique à divers titres va être très, très intéressante. J’ai hâte de me plonger dans quelques exemples. Avant cela, nous commencerons par une définition académique.
Elizabeth: [00:01:20] La théorie du comportement planifié [« the theory of planned behaviour » en anglais ; consultez The Theory of Planned Behaviour: Reactions and reflections (en anglais)] est un modèle permettant de comprendre le comportement humain, en particulier dans les contextes sociaux. Elle découle de la théorie de l'action raisonnée [« the theory of reasoned action » en anglais], qui reprend l'idée de rationalité et se concentre sur l'idée que les humains sont des êtres rationnels. Mais la théorie du comportement planifié met l'accent sur le contrôle comportemental perçu, c'est-à-dire sur la mesure dans laquelle nous pensons qu'il nous est facile ou difficile d'adopter un comportement particulier. Et [la théorie du comportement planifié est] influencée par nos propres expériences passées et la manière dont nous anticipons les obstacles potentiels, ce genre de choses. L'idée de la théorie du comportement planifié est de prendre ce contrôle comportemental perçu et de l'associer à la perception des normes subjectives, à savoir si une action donnée est quelque chose que nous ressentons comme une pression sociale pour l'accomplir ou peut-être comme une pression sociale pour ne pas l'accomplir.
Elizabeth : [00:02:19] [Par exemple,] s'il s'agit de voter : notre communauté est-elle vraiment encourageante et suggère-t-elle de manière normative qu'il s'agit d'un très bon choix ? Ou est-ce que [voter] c’est « on s’en fiche complètement » et « on va quand même pas faire ça ». Ensuite il y a l'attitude à l'égard du comportement, qui est liée à ces normes sociales. Il s'agit de la mesure dans laquelle une personne évalue favorablement ou défavorablement le comportement en question. Encore une fois, [par exemple] : pensons-nous que voter est vraiment, vraiment difficile et stressant, ou pensons-nous que c'est super facile et vraiment amusant ? Voilà le genre de questions qui se posent. Voilà un aperçu rapide de la théorie du comportement planifié. Cela vous paraît-il logique ?
Melanie: [00:03:00] Oui, effectivement.
Elizabeth: [00:03:00] Parfait.
Elizabeth: [00:03:01] Ensuite, lorsque nous pensons à la création de messages politiques et à la manière de les transmettre aux gens, la théorie du comportement planifié entre-t-elle en jeu ? Je suis sûre qu'elle n'est pas utilisée sous cette forme dans les cellules de crise, mais en voyez-vous des traces dans le travail que vous avez effectué ?
Melanie: [00:03:23] Absolument. La première chose qui me vient à l'esprit, c'est que dans le secteur privé, je parlerais de campagnes de promotion ou de validation par des tiers [consultez : Élections Canada, Questions et réponses pour les tiers et Third parties strive to become a driving force in elections (en anglais)]. Il s'agit de faire appel à des personnes de confiance que vous pourriez reconnaître pour parler d'une question particulière, pour la défendre, qu'il s'agisse d'un oléoduc qui doit être construit ou d'un [autre] projet d'importance nationale. Il peut s'agir de la nécessité d'une enquête sur l'ingérence étrangère [consultez : Enquête publique sur l'ingérence étrangère dans les processus électoraux et les institutions démocratiques au niveau fédéral] et d'avoir une variété de voix différentes 一 pas seulement les voix politiques que vous avez l'habitude d'entendre à Ottawa, mais aussi d'avoir des universitaires de confiance qui en parlent. Je dirais même que, malheureusement, même les universitaires commencent à ressentir les douleurs d'une perte de confiance que nous avons également constatée dans le journalisme au cours des deux dernières années [consultez : Canadian media bosses tackle how to regain citizens' trust (en anglais)]. Il s'agit d'élever ces voix pour qu'il s'agisse de quelqu'un à qui l'on peut s'identifier. Ainsi, lorsque vous voyez qu'une personne parle d'un problème particulier, vous avez envie de vous impliquer ou de réfléchir à une question sous un angle différent, parce que vous respectez cette personne.
Melanie: [00:04:31] On peut aussi parler d’acceptabilité sociale. Voter d'une certaine manière, penser d'une certaine manière, entreprendre une certaine action [ou] rejoindre un mouvement vous donne une acceptabilité sociale. Je le vois très bien en termes de défense par un tiers dans le monde politique et dans les campagnes. Je pense que c'est particulièrement pertinent lorsque nous essayons de faire sortir le vote. L'une des premières choses auxquelles je pense en politique est, de manière assez amusante, la « guerre des panneaux » (en anglais). Au cours d'une campagne électorale, il y a des affiches et nous nous moquons souvent, dans les cellules de crise, de la pertinence des affiches ou de leur capacité à faire bouger l'aiguille. Qui se soucie de voir des panneaux ? Mais, il y a un certain élément, vous connaissez vos voisins et si vous voyez qu'ils votent d'une certaine manière, cela peut vous faire réfléchir et penser, « dis donc, c'est intéressant, je ne m'attendais pas à cela de leur part », ou, « je ne savais pas que telles étaient leurs penchants politiques ». Je pourrais peut-être avoir une conversation avec eux à ce sujet pour en connaître les raisons. Ou encore, si le premier jour d'une élection (d'une période électorale), vous vous rendez au travail en auto le matin et que vous constatez que la grande majorité des panneaux sont d'une couleur particulière, vous vous direz : « Ouah, il y a beaucoup de gens dans cette communauté qui votent de cette façon particulière ». Et encore une fois, cela pourrait vous amener à réfléchir sur les raisons de ce choix. Et peut-être [cela pourrait aussi vous encourager à] être ouvert à changer votre point de vue sur les choses, parce que les gens autour de vous se comportent d'une certaine manière.
Elizabeth: [00:06:02] Ouais, je pense que ces panneaux sont un très bon exemple de visibilité de ce que nous appelons les normes subjectives. Parce qu'ils montrent, de manière très visuelle, des rues couvertes de panneaux de pelouse d'une seule couleur, [ce qui] donne vraiment le sentiment que non seulement les gens de cette communauté pensent que les élections sont importantes et que nous devons y prêter attention (et que voter est probablement une chose à faire), mais [aussi qu'] il y a une personne en particulier qui est vraiment bien soutenue dans cette communauté. Et puis il y a ce sentiment 一 que nous avons tous en tant qu'êtres humains 一 de vouloir faire partie d'un groupe. [En tant qu'êtres humains,] nous aimons avoir des liens sociaux. Nous avons besoin de liens sociaux pour exister. C'est pourquoi [vous vous dites] : « Tout le monde vote pour ce candidat, c'est peut-être pour lui que je devrais voter aussi ». Vous ressentez une certaine pression sociale et un certain soutien. Et puis, comme vous le décrivez, on espère [que] cela vous incitera à faire des recherches supplémentaires ou à avoir d'autres discussions, ou ce genre de choses.
Melanie: [00:07:03] Ouais. Et je dirais que dans une course à la direction d'un parti [consultez : Élections Canada, FAQ sur les courses à la direction] et peut-être c’est vrai aussi dans une élection générale, mais davantage dans une course à la direction d'un parti. Cette notion d'élan pour un candidat à la direction d'un parti est vraiment importante. Montrer une dynamique, montrer qu'il va gagner, [promouvoir l'idée que] « vous devez prendre le train en marche parce que cette personne va gagner ». C'est très convaincant. C'est particulièrement convaincant, et je pense que ce serait une sous-section intéressante de [la théorie du comportement planifié], avec les communautés ethniques. L'accent mis sur les votes des communautés ethniques, en particulier dans les courses à la direction, est clairement axé sur [l'idée de] « soutenir celui qui est en train de gagner ». Je pense que c'est parce que, dans d'autres pays, ils ne sont pas aussi démocratiques que nous le sommes ici, et il y a donc un ensemble différent de pressions sociales et de normes sociales autour du vote. Et le fait que si vous ne soutenez pas la bonne personne, il peut y avoir des conséquences, cause plus de stress (dans d'autres pays). Et il y a des gens qui amènent cette peur et cette stigmatisation avec eux lorsqu'ils viennent au Canada. Il y a donc des partis politiques qui en profitent, franchement, et des agents qui, dans le cadre de leur tactique de campagne, disent à ces groupes 一 qui ont déjà tendance à craindre de parier sur le mauvais cheval 一 « Voici la personne que vous devez soutenir parce qu'elle est en train de gagner [et] elle rencontre un grand soutien.
Melanie: [00:08:22] Du point de vue de la communication, la façon dont je créerais un élan et montrerais cet élan serait d'avoir une cadence de soutien de la part de personnes très en vue ou d'autres politiciens. Ainsi, tous les deux jours, vous en sortez un autre 一 un autre soutien important et une citation de leur part expliquant pourquoi ils soutiennent cette personne. Ensuite, vous allez publier un sondage qui donne de très bons résultats pour votre candidat. Puis, il faut le montrer en train de gagner un débat ou une interview. Toutes ces choses sont nécessaires pour montrer cette dynamique afin de continuer à faire passer l'idée qu'il va gagner et qu'il faut donc prendre le train en marche.
Elizabeth: [00:08:59] Et que c'est l'équipe gagnante. On veut en faire partie. Venez faire partie de notre groupe. Parce que c'est l'avenir, n'est-ce pas ?
Melanie: [00:09:07] Oui, effectivement. Je me souviens qu'en 2017 ou 2019, je ne sais plus combien de courses à la direction ont eu lieu au sein du Parti conservateur du Canada, il y en a eu trop. Mais celle où Andrew Scheer a gagné et Maxime Bernier est arrivé deuxième, je crois que c'était en 2017 [Melanie fait référence à la course à la direction du Parti conservateur du Canada de 2017, au cours de laquelle Andrew Scheer l'a emporté de justesse sur un groupe de 13 candidats, consultez : La course à la chefferie des conservateurs prendra forme cette semaine]. Je me souviens que l'équipe de Bernier a envoyé un message aux conservateurs pour leur dire : « Voilà, mon équipe m'a remis une liste de noms de personnes qui ont fait des dons à ma campagne et qui font partie de mon équipe, et je veux que votre nom figure sur cette liste ou point point point. » Il ne s'agissait pas d'un « ou bien » [au sens littéral du terme], mais il était clairement sous-entendu que « tu as intérêt à faire partie de cette équipe, sinon tu vas rater quelque chose ». Il a fini par perdre avec une très faible marge. Mais cela faisait absolument partie de leur tactique d'élan qu'ils essayaient de mettre à profit pour pousser [Maxime Bernier] vers le haut.
Elizabeth: [00:09:58] C'est un très bon exemple qui permet de passer de la composante des normes subjectives de la théorie du comportement planifié à la composante du contrôle comportemental perçu. Le contrôle comportemental perçu est donc, d'une part, l'idée de la facilité ou de la difficulté [] que vous pensez qu'il y aura à adopter le comportement. Mais il s'agit aussi de votre perception de la dynamique du pouvoir et de l'importance des facteurs internes et externes qui vont faciliter ou entraver votre performance. [Par exemple,] si le comportement consiste à savoir pour qui voter dans cette course à la direction, nous pourrions nous demander s'il est facile ou difficile de se présenter à une convention. Mais s'il s'agit en fait de savoir comment s'impliquer dans le Parti conservateur du Canada et comment faire entendre sa voix, alors il y a une dynamique de contrôle et de pouvoir qui entre en jeu lorsque l'on dit : « Soit vous êtes sur la liste, soit vous ne l'êtes pas ». Et nous voyons cela se manifester de différentes manières.
Melanie: [00:10:58] Absolument.
Elizabeth: [00:10:58] J'aimerais revenir sur l'idée de créer une dynamique. Vous avez donné des exemples [du fait que] on veut avoir du soutien, on veut avoir de bons sondages, on veut avoir gagné le débat (ou au moins pouvoir dire qu’on a gagné le débat). Quelle est, selon vous, la réaction de l'électeur potentiel moyen lorsque cela se produit ? L'objectif est-il d'atteindre des électeurs potentiels particuliers ? S'agit-il [d'atteindre] des groupes démographiques ciblés ? S'agit-il [d'atteindre] les médias d'information qui, à leur tour, atteignent les électeurs ? Comment pensez-vous à ceux à qui le message s'adresse ?
Melanie: [00:11:27] Il y a toujours des publics multiples, et les médias sont l'un d'entre eux. On veut qu'ils écrivent des articles positifs. Un bon sondage contribuera à générer cela. En partie, avec tout ce qu’on fait autour de l'élan, on plante une graine dans la population générale 一 dans l'électeur moyen 一 [que] cette personne est une option viable. [Cette personne pourrait très bien être le prochain Premier ministre (quel que soit le sujet de l'élection), il faut s’intéresser à ce qu'elle dit et il faudrait y réfléchir. Surtout s'il s'agit d'une élection de changement 一 c'est l'une des tonalités que nous observons actuellement au Canada. De nombreux sondages indiquent que les gens veulent [un changement politique]. Il est donc très important de présenter aux électeurs potentiels une alternative viable au pouvoir actuel. Il s'agit de souligner cette dynamique, de montrer que Pierre Poilievre est en nette progression dans les sondages [et] que 40 % de la population souhaite voter pour lui. Je suis en train d'inventer des chiffres, [ou de montrer que] 30 % de la population pense que le Premier ministre Justin Trudeau n'est pas un grand leader. Quels que soient les chiffres. Les gens voient cela et se disent : « Suis-je dans ces 30 % ? Est-ce que je fais partie de cette cohorte de personnes ? Est-ce que cela me reflète ? Et si je suis d'accord avec cette cohorte de personnes, cela signifie-t-il que je devrais également voter comme eux ? » En réalité, il s'agit de faire réfléchir les gens et de les rendre réceptifs à nos messages clés et à ce que nous essayons de leur vendre (c'est-à-dire voter pour un parti particulier).
Elizabeth: [00:12:50] C'est très intéressant. Et la façon dont vous venez de décrire cela, le début ressemblait beaucoup à l'attitude envers la composante comportementale 一 donner aux gens des informations qui pourraient changer leur attitude ou renforcer leur attitude existante par rapport au vote pour tel ou tel candidat. Puis, au fur et à mesure que vous décriviez [] davantage l'idée de « Oh, suis-je dans ces 30 % ? », c'est là que vous commencez à superposer l'attitude à l'égard du comportement avec les normes subjectives et le contexte social. J'aime donc beaucoup la façon dont vous décrivez cette sorte d'approche en couches qui traverse la théorie.
Melanie: [00:13:24] C'est sur les médias sociaux, où nous sommes de plus en plus coincés dans des prisons algorithmiques, que les choses se gâtent et deviennent problématiques. Les personnes qui écoutent ce balado doivent comprendre que l'internet n'est pas réel. Il a été conçu pour vous en fonction des petites décisions que vous avez prises sur votre téléphone, sur votre ordinateur, au fil des ans, et des données qui ont été recueillies sur ces décisions, les choses sur lesquelles vous avez cliqué, les vidéos que vous avez regardées, les mentions j’aime que vous avez eues, les choses que vous avez partagées. Tout cela alimente votre algorithme personnel. Et vous êtes pratiquement dans une bulle maintenant [consultez notre épisode de balado antérieure : Les chambres d'écho et bulles de filtres avec Adi Rao]. Là où cela devient vraiment problématique en politique, c'est qu'il y a tant de gens qui ne voient que ce qu'ils veulent. Ils ne voient que ce qui correspond à leurs croyances. Il devient alors presque impossible non seulement de les faire changer d'avis sur une question donnée, même d'ouvrir une conversation et de les informer sur la question d'un point de vue différent. Leurs idées sont vraiment ancrées, leur perception des normes sociales a complètement changé, parce que tout ce qu'ils voient sur YouTube, sur les médias sociaux, les conforte dans l'idée que leur position est correcte, qu'il n'y a pas d'autres personnes qui ont des opinions différentes, parce qu'ils ne les voient jamais. Ils ne sont jamais en contact avec des personnes [qui ont] des opinions différentes. Ils se demandent simplement : « Comment peut-on voter pour ce type ? Je n'ai jamais rencontré ces personnes auparavant. Cette personne ne va pas gagner parce que je ne vois pas de couverture. Je ne vois rien sur mon fil d'actualité des médias sociaux qui m'indique qu'ils font bonne figure. ». Et je pense que c'est assez dangereux.
Elizabeth: [00:15:01] Oui, c'est vrai. Parce que cela peut alimenter une forme très particulière d'apathie qui n'est pas fondée sur la réalité.
Melanie: [00:15:10] L'extrémisme également.
Elizabeth: [00:15:11] Et nous le voyons avec l'extrémisme. On le voit avec les théories du complot. Il ne s'agit pas d'une question partisane. On le voit partout.
Melanie: [00:15:19] Oui, c'est vrai.
Elizabeth: [00:15:19] Il y a des gens, indépendamment de la personne pour laquelle ils voteraient normalement, qui finissent par se retrouver dans une sorte de trou de lapin. Cette idée est ensuite renforcée encore et encore. J'ai fait des recherches qui datent d'il y a cinq ans, mais à l'époque, nous avons constaté que c'est ce qui se passait et qu'il y avait une sorte de pipeline vers des opinions de plus en plus extrêmes, mais que c'était très minime. Le plus important, qui me fait très peur, c'est le type de différenciation entre les groupes de personnes qui s'intéressent à la politique et qui vont obtenir des informations politiques, et les personnes qui se contentent de penser « peu importe, je ne suis plus dans le coup. Ce n'est pas mon truc. Je vais juste m'en éloigner. C'est trop stressant. C'est trop confus. Je ne peux faire confiance à personne. Je ne peux avoir confiance en rien. » Est-ce une chose à laquelle vous pensez ? Ce groupe de personnes qui se désengagent en utilisant ces outils ?
Melanie: [00:16:11] Tout à fait, même s'ils ne le font pas intentionnellement. Meta, par exemple, [c'est-à-dire] Instagram et Facebook, ont interdit les publicités politiques à moins que vous n'y consentiez [consultez : Meta interdit le partage d’informations résidentielles privées sur ses plateformes et Meta Bans Political Ads From Using Its Generative AI—And Requires Disclosures For Other Fake Images (en anglais)]. La plupart de la population ne le fera pas. Et ils ne sauront pas qu'ils doivent le faire. Ainsi, 70 % de femmes présentes sur ces plateformes de médias sociaux ne peuvent plus être touchées par vos publicités politiques, à moins qu'elles ne suivent un politicien 一 ce qui est peu probable, soyons honnêtes. [Note de la rédaction : en septembre 2024, près de 53% des Canadiens sur Facebook sont des femmes (en anglais) et 55% des Canadiens sur Instagram sont des femmes (en anglais)].
Elizabeth: [00:16:36] Oui, et ceux qui suivent déjà les politiciens, obtiennent [déjà] les informations.
Melanie: [00:16:41] Et leur vote est déjà décidé. Si vous suivez un politicien, vous savez pour qui vous allez voter. Vous n'êtes l'électeur cible de personne parce que vous ne pouvez pas être persuadé. Je comprends la décision des grands conglomérats de médias sociaux. Ils l'ont fait avant les élections américaines. Ils le font parce qu'il y a beaucoup de désinformation. Il y a l'IA, il y a de fausses vidéos qui sont produites, il y a de mauvais acteurs étrangers qui ont intérêt à influencer les élections en Amérique du Nord et [les multinationales des médias sociaux] ne veulent pas être responsables de tout ce qui est partagé sur leur plateforme. Ils disent qu'il est plus facile de supprimer tout ce contenu que de prendre le risque d'être accusé d'être à l'origine d'une élection qui se déroule d'une certaine manière. Ce qu'ils ont décidé de faire est tout à fait rationnel, mais la conséquence malheureuse est qu'une grande partie de la population ne sera pas touchée par le partage d'informations et de publicités politiques. Les partis politiques sont donc confrontés à un plus grand défi : comment atteindre ces personnes ? Comment atteindre un public plus jeune alors que les moyens de communication sont limités ? Même TikTok, la plupart des politiciens au Canada ne l'utilisent plus parce qu'il a été interdit par le Parlement [Melanie parle de la Déclaration de la ministre Fortier annonçant l’interdiction d’utiliser l’application TikTok sur les appareils mobiles du gouvernement ; en plus : Au tour de la Chambre des communes d’interdire TikTok. Consultez aussi : Ottawa et Québec interdisent TikTok sur les appareils mobiles des fonctionnaires]. Alors, comment atteindre les gens sur les plateformes où ils interagissent avec les autres ? Nous allons peut-être assister à un retour au bon vieux temps où l'on frappait à la porte et où les politiciens devaient s'adresser à des êtres humains en face à face.
Elizabeth: [00:18:12] Pensez-vous que c'est ce qui va se passer ? Lorsque les médias sociaux sont devenus plus populaires, c'est à cette époque que j'ai commencé à m'intéresser à la politique et que j'ai commencé à faire des recherches dans ce domaine. Les médias sociaux [à l'époque] étaient ce rêve qui allait nous permettre d'entrer en contact avec les jeunes, et c'était le moyen de les rencontrer là où ils se trouvent. Ce n'est pas ce qui se passe actuellement, comme vous venez de le décrire.
Melanie: [00:18:34] En fait, c'est devenu une sorte de cauchemar. Je pense que ce sera intéressant non pas pour cette cohorte d'élections, donc pas pour ce tour des élections américaines et lorsque les élections au Canada auront lieu soit cette année, soit probablement l'année prochaine, mais je pense que ce sera vraiment intéressant lorsque les enfants qui ont l'interdiction d'utiliser leur téléphone portable au lycée [consultez : L’Ontario restreint l’utilisation des cellulaires et interdit le vapotage dans les écoles] aujourd'hui seront en âge de voter.
Melanie: [00:18:52] Donnons-leur quatre ans de plus, d'accord ? Dans quatre ans, comment atteindrons-nous ces enfants qui deviendront de jeunes adultes, qui iront au collège, à l'université, dans cette cohorte ? Parce qu'ils auront grandi avec de meilleurs garde-fous, j'ai envie de dire, autour de leur utilisation des médias sociaux que ce que nous avons vu au cours des 15 dernières années. Ils auront une sorte de garde-fou sur la façon de les utiliser, quand les utiliser, et mon espoir pour eux est que ces interdictions dans les écoles les aideront à s'éloigner de la nature addictive de ces plateformes de médias sociaux et à réapprendre à avoir des relations avec les humains en face à face au lieu que tout le monde soit enterré dans son téléphone. Et puis, peut-être, le prolongement naturel de cela, c'est la politique. Peut-être qu'on en reviendra à [penser que] qu’on peut avoir confiance en une personne si on la voit face à face. Si on se serre la main et on se regarde dans les yeux. Et on se fiche de ce qui est mis dans une vidéo, car tout cela peut être modifié. Mais si on se voit en personne, on peut se faire une idée de qui on a en face. Il est donc possible que l'on revienne à cette situation.
Elizabeth: [00:19:53] Oui, il sera très, très intéressant de voir comment cela se passe et comment l'environnement de l'information, les médias auxquels nous avons accès et les outils auxquels nous avons accès influencent la façon dont nous choisissons de nous engager, de nous engager ou non, et ce genre de choses. Je voudrais revenir sur certains de ces choix et sur l'idée de rationalité. L'une des principales critiques de la théorie du comportement planifié est qu'elle est beaucoup trop rationnelle et qu'elle suppose que les gens font des choix purement rationnels, alors qu'en réalité, je pense que nous savons tous que les humains sont des créatures d'habitudes et très émotives, et que nous finissons donc par faire beaucoup de choix qui sont davantage basés sur les habitudes et les émotions que sur la rationalité pure. Est-ce quelque chose que vous observez dans votre travail ? Que pensez-vous de la rationalité par rapport à l'émotivité ?
Melanie: [00:20:48] Je vais me risquer à suggérer que lorsque nous parlons d'électeurs cibles, de personnes qui sont disposées à voter différemment à chaque élection, qui peuvent peut-être être persuadées, qui n'ont pas de parti attitré, celles-ci sont alignées sur les personnes qui votent. Je pense que la prise de décision rationnelle s'applique davantage à eux. Il faut toujours donner une raison rationnelle pour laquelle on devrait voter pour cette personne, mais les communications doivent également être empreintes d'une certaine émotion. Il faut faire les deux. L'une des émotions sur lesquelles nous jouons souvent, depuis quelques années en tout cas, est cette notion d'injustice. On fait tout ce qu'il faut. On travaille dur, [et] on n'arrive toujours pas à avancer à cause de l'inflation, du coût de la vie, du coût du marché immobilier. On a fait tout ce qu'il fallait. On a fait des études supérieures, on a un emploi et pourtant on n'a pas les moyens d'acheter une maison. On ne peut pas se permettre de fonder une famille. On a à peine les moyens de faire son magasinage. Ce n'est pas juste.
Melanie: [00:21:46] C'est une question d'émotion, mais il y a aussi un élément rationnel. L'élément rationnel est que les finances de ce pays sont en désordre et qu'il faut voter pour y remédier. C'est incontestable. C'est donc un peu des deux. Du point de vue de la communication, ces deux éléments doivent être présents. Cela dit, si votre public est composé de personnes qui ont déjà voté, nous parlerons alors d'appât. Ainsi, vos électeurs de base, les gens vont voter pour vous quoi qu'il arrive [et] quelles que soient vos opinions politiques, ils vont se déplacer et voter pour votre parti politique. Dans ce cas, la communication est entièrement émotionnelle parce que vous essayez simplement de les motiver à sortir. On peut donc penser que si l'on ne va pas voter, le résultat sera très serré et que l'autre gagnera. Imaginez ensuite à quel point cela va être terrible pour ce groupe. Et l'autre chose que vous essayez de faire, c'est de leur soutirer de l'argent. Il s'agit donc d'une question de collecte de fonds. Ceci est presque toujours émotionnel.
Elizabeth: [00:22:36] Oui, c'est vrai. Et ce sont ceux pour lesquels on se dit qu’ils ont probablement déjà indiqué qu’ils nous soutiennent, et que nous avons donc déjà cette loyauté et un peu d'adhésion. On n’a donc pas nécessairement besoin de faire autant de travaux de construction rationnels. On peut aller directement à l'émotionnel.
Melanie: [00:22:52] Oui, c'est vrai. Pour les électeurs qui changent d'avis, et pour évoquer certaines publicités que nous avons vues récemment dans la politique canadienne 一 je pense à une vidéo du Parti conservateur de la Colombie Britannique dont le message clé est « Je fais quelque chose que je n'ai jamais fait auparavant ». Il s'agit d'un ensemble de personnes différentes [présentées dans la vidéo]. Il y a comme une infirmière. Je me souviens qu'il y avait plusieurs femmes dans cette vidéo, des personnes dont on n'imaginerait pas qu'elles votent pour les conservateurs, et elles expliquent pourquoi elles le font pour la première fois. Elles voteront pour les conservateurs. Pour moi, il s'agit avant tout d'un message et d'une publicité très puissants [consultez : la publicité « I’m trying something new » du Parti conservateur de la Colombie-Britannique (en anglais)]. On vise directement les électeurs potentiels, cette petite cohorte de personnes qui pourraient être disposées à voter différemment si elles voyaient d'autres personnes comme elles le faire et en parler. Ensuite, ils diront « oh, intéressant, cette infirmière va voter pour les conservateurs ». Je devrais peut-être y réfléchir aussi. Je devrais réfléchir à la raison pour laquelle elle est prête à le faire à nouveau. Il s'agit d'ouvrir les gens à cette possibilité, ce qui les rend plus aptes à recevoir des informations de votre part et à s'engager dans les messages politiques que vous diffusez.
Elizabeth: [00:23:59] Nous essaierons de retrouver cette publicité et d'ajouter un lien dans les notes de l’émission pour les personnes qui souhaitent en avoir une première expérience [consultez : la publicité « I’m trying something new » du Parti conservateur de la Colombie-Britannique (en anglais)]. J'y ai jeté un coup d'œil avant que nous ne commencions à discuter. Et je pense qu'il s'agit d'un projet qui s'appuie très bien sur ces normes subjectives et qui dit en quelque sorte « Regardez, ce sont des gens que vous pourriez considérer comme vos pairs, comme faisant partie de votre groupe social, et ils font quelque chose que vous n'auriez pas pensé normalement ». Il se peut qu'ils soient un peu plus ouverts à la ligne de message suivante. D'un autre côté, nous savons aussi qu'il y a beaucoup de campagnes négatives. Et les publicités d’attaque font, pour le meilleur ou pour le pire, partie intégrante de la sphère politique canadienne. Les voyez-vous jouer un rôle différent de ceux qui sont plus positifs, plus engageants ? Qu'en pensez-vous ?
Melanie: [00:24:54] Les publicités d'attaque sont, à mon avis, généralement axées sur la suppression de votes, faute d'un meilleur terme. L'exemple que j'utiliserai est celui du Premier ministre Trudeau, lorsque le scandale du maquillage noir s'est produit [consultez : Justin Trudeau en « blackface » : une controverse, deux solitudes?]. En élaborant du contenu lié à cela, l'idée est que vous n'allez pas convaincre les gens de voter pour Andrew Scheer au lieu de Justin Trudeau à cause du maquillage noir, mais plutôt de convaincre les libéraux qui allaient voter pour Justin Trudeau de rester à la maison, ce qui est parfois tout aussi bien dans une élection. Il ne suffit pas de faire sortir tous les électeurs viables. Vous voulez que certaines personnes, comme votre opposition, soient tellement dégoûtées et démoralisées par la personne qui est le candidat de leur parti qu'elles ne vont pas se donner la peine de le faire. Ils ne vont pas se boucher le nez et voter pour l'autre, mais ils vont rester chez eux. Ils vont sauter cette occasion. C'est tout à fait une tactique. Il s'agit d'une tactique très cynique, mais qui est largement utilisée dans les élections canadiennes.
Elizabeth: [00:25:56] Lorsqu’on pense à changer les attitudes et les comportements des gens, comme vous le dites, on pense à « comment faire pour que les gens nous aiment et aiment notre candidat et ses politiques » ? Mais on essaie aussi de faire en sorte qu'ils soient moins susceptibles d'apprécier ceux des adversaires, et cela fait partie du jeu. Si l'objectif est d'obtenir plus de voix que l'autre personne, ce sont les deux côtés de l'équation qui entrent en jeu.
Melanie: [00:26:22] Il y a deux façons d'obtenir plus de votes. Littéralement, plus de gens se présentent et votent pour vous, ou moins de gens se présentent et votent pour l'autre.
Elizabeth: [00:26:29] Dans ce contexte, nous avons parlé très brièvement de l'ingérence étrangère. Et je vais faire un peu de publicité pour quelques épisodes qui sortiront plus tard dans la saison. Nous en avons un sur l'astroturfing et un sur l'ingérence étrangère dans les courses à l'investiture, mais nous avons parlé de l'ingérence étrangère, nous avons parlé de la façon dont les médias sociaux et les algorithmes qui sous-tendent ces outils peuvent vraiment fausser la variété des informations que les gens voient. Il y a aussi les publicités d'attaque cyniques. Il y a une apathie générale qui existe depuis un certain temps dans certaines catégories démographiques. Comment, dans ce contexte, instaurer la confiance au sein de l'électorat, des électeurs potentiels ?
Melanie: [00:27:14] C'est la question à un million. Vous devriez encourager les universitaires en herbe à faire des recherches dans ce domaine et à trouver des solutions pour nous. Je pense que la première étape est la sensibilisation et l'éducation à ce sujet. Il faut faire en sorte que les électeurs canadiens soient conscients qu'ils sont influencés par de mauvais acteurs et parfois par des entités étrangères, dont les intentions ne sont pas nécessairement néfastes ou malveillantes, mais qui exercent tout de même une influence d'une manière ou d'une autre. Cette prise de conscience et le fait de savoir à quoi s'attendre. Il y a tellement de travail à faire dans ce domaine que j'espère que la principale conclusion de l'enquête sur l'ingérence étrangère sera que nous avons non seulement besoin, au sein du Canada, d'un chien de garde, dont le travail consiste à informer les Canadiens de ce qui se passe, mais aussi d'une campagne menée par une tierce partie indépendante et neutre, capable de signaler à la population canadienne les informations erronées et, lorsqu'elles proviennent d'autres gouvernements, les désinformations [Propagande, communications gouvernementales, et désinformation avec Shuvaloy Majumdar], et de les rectifier. Je pense que c'est Dale Smith qui est le journaliste qui vérifie les faits pour Donald Trump en direct [Melanie fait référence à Daniel Dale, un journaliste qui a vérifié les faits de l’ancien président Donald Trump lors des débats présidentiels de l'élection américaine de 2024. Consultez : CNN Fact-Checker Says This Donald Trump Ad May Be ‘Most Deceptive’ Of 2024 Election]. Il est capable de vérifier les faits tout au long d'un débat. Nous en avons besoin. Mais nous en avons bizarrement besoin pour l'internet.
Melanie: [00:28:27] Il est très inquiétant de constater à quel point l'ingérence étrangère est devenue efficace et insidieuse. [Par exemple, si vous allez sur les médias sociaux, [et] je continue à être stupéfait par les publicités que je vois sur X (anciennement connu sous le nom de Twitter) qui ressemblent à de vraies nouvelles du National Post qui sont absolument fausses. Dans ce cas, ils essaient simplement de me vendre des bitcoins par le biais d'une histoire bizarre sur Michael Bublé ou une autre célébrité canadienne qui n'est qu'un appât à clics. Mais ces tactiques sont déployées pour vous amener à vous intéresser aux questions géopolitiques. Une autre façon de voir la guerre en Ukraine. C'est effrayant. Je pense que nous regardons, parce que nous sommes tellement obsédés par les États-Unis, par leur processus électoral et par leur cycle d'information, que nous consommons tellement de médias américains au Canada, on peut vraiment voir comment cela a affecté le Parti républicain et leurs positions, à quel point ils se sont éloignés de leurs positions historiques sur certaines choses comme le soutien à l'Ukraine contre la Russie. C'est en train de changer. Et la raison de ce changement est l'ingérence étrangère, en termes d'appât à clics sur les médias sociaux.
Melanie: [00:29:41] Mais cette chambre d'écho que vous avez créée sur les médias sociaux et dont tous vos électeurs font maintenant partie, alors si vous êtes l'élu et que vous entendez des électeurs qui s'expriment et qui sont dans une bulle de chambre d'écho où ils ne voient que ces choses, et que c'est la seule chose dont ils veulent vous parler, alors vous, même si vous n'êtes pas dans une chambre d'écho sur Internet parce que vous n'avez pas le temps, parce que vous êtes un élu, vous êtes toujours dans cette bulle bizarre parce que vos électeurs vous disent sans cesse que c'est important. Ils ne cessent de vous dire que quelles que soient les fausses informations sur l'Ukraine, vous les amenez avec vous à Washington, n'est-ce pas ?
Elizabeth: [00:30:21] C'est vrai. On veut obtenir des votes, on veut répondre aux besoins des électeurs. Et en particulier si la base, le noyau dur sur lequel on compte toujours pour le vote, fait des dons et nous soutenient. On dit tous « c'est ce qui compte. Voilà ce qui se passe ». Il faut y prêter attention.
Melanie: [00:30:39] Et c'est ainsi que l'on se retrouve avec Donald Trump racontant une histoire folle sur des gens qui mangent des chiens [pendant le débat présidentiel]. Il s'agissait d'une théorie du complot sur Internet. Il s'agit d'une histoire partagée sur Facebook. Elle est devenue réelle dans l'esprit de la classe politique parce qu'un nombre suffisant de personnes l'ont partagée [consultez : Donald Trump doubles down on debunked claim that immigrants are eating pets].
Elizabeth: [00:30:59] C'est un sujet pour un tout autre épisode du balado et nous arrivons à la fin. Je pense que ce qui est vraiment intéressant dans l'exemple de la façon dont l'ingérence étrangère infiltre notre environnement d'information, c'est qu'il s'appuie sur certains des mêmes principes de la théorie du comportement planifié. Il s'agit de s'appuyer sur les normes sociales, d'en créer de nouvelles, de créer un nouveau sens de la communauté et de l'utiliser, en essayant de rééquilibrer le contrôle que nous exerçons sur nos propres comportements et sur les conséquences de ces comportements. Il s'agit d'essayer de changer la façon dont nous percevons les choses en premier lieu. La façon dont nous percevons la Russie, par exemple. Il y a donc beaucoup plus à creuser dans un autre épisode, mais pour l'instant, je veux terminer de la même manière que nous terminons chaque épisode. Il est temps de faire un petit quiz. Si vous étiez étudiant dans l'un de mes cours et que vous deviez répondre brièvement à la question suivante : comment définissez-vous la théorie du comportement planifié ? Après notre conversation, quels sont, selon vous, les éléments clés ?
Melanie: [00:32:03] Je dirais qu'il s'agit d'une acceptabilité sociale ou d'une permission sociale.
Elizabeth: [00:32:07] Je pense que c'est un très bon indicateur rapide. Je pense que la composante « permission sociale » / « acceptabilité sociale » est l'une des trois composantes essentielles. Il y a ce que j'appelle les normes subjectives, que vous appelez la permission sociale ou l’acceptabilité sociale. J'ajouterais à cela l'attitude à l'égard du comportement et le contrôle comportemental perçu. Mais cette permission sociale semble vraiment être l'élément central qui sous-tend une grande partie des stratégies de communication politique et des stratégies de messagerie en jeu.
Melanie: [00:32:40] Oui, c'est vrai.
Elizabeth: [00:32:40] Merci beaucoup. C'était une excellente conversation.
Melanie: [00:32:43] Merci de m'avoir accueillie.
Elizabeth: [00:32:44] Bon, c'était notre épisode consacré à la théorie du comportement planifié. J'espère que vous l’avez apprécié. Comme toujours, vous trouverez dans les notes de l'émission de nombreux liens vers d'autres ressources et exemples dont nous avons parlé aujourd'hui. Et sur Polcommtech.ca, vous trouverez des transcriptions annotées disponibles en anglais et en français. Je tiens également à souligner que je suis enregistré sur le territoire traditionnel et non cédé du peuple algonquin, et je tiens à rendre hommage au peuple algonquin, en reconnaissant sa relation de longue date avec ce territoire non cédé.
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