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Wonks and War Rooms

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La décolonisation des espaces numériques avec Alexander Dirksen

Saison : 2 épisode : 1 [télécharger cet épisode (MP3, 21.2MB) (en anglais uniquement)]

[Veuillez noter que le contenu du balado est traduit de la version originale anglaise.]


Alexander Dirksen, fier membre de la Métis Nation B.C., chercheur, et stratège discute avec Elizabeth de ce que signifie décoloniser les espaces numériques et pourquoi il est si crucial de recentrer les conversations sur le développement technologique à travers la lentille de la décolonisation.


Ressources supplémentaires :

 

Transcription traduite de l'épisode : La décolonisation des espaces numériques avec Alexander Dirksen


Lisez la transcription traduite ci-dessous ou téléchargez une copie dans la langue de votre choix :



Elizabeth: [00:00:03] Bienvenue à Wonks and War Rooms, où la théorie de la communication politique rencontre la stratégie sur le terrain. Je suis votre hôte, Elizabeth Dubois, et je suis professeure associée à l'Université d'Ottawa. Mes pronoms sont elle/la, et j'enregistre ce balado dans les territoires traditionnels non cédés de la nation algonquine. Et dans l'épisode d'aujourd'hui, nous parlons de la décolonisation des espaces numériques.

Alexander: [00:00:20] Bonjour, tout le monde. Je m'appelle Alexander Dirkson; [j'utilise les] pronoms il/le. J'appelle depuis les territoires non cédés des peuples Musqueam, Squamish et Tsleil-Waututh. Je suis moi-même un fier membre de la Métis Nation B.C. [en Colombie-Britannique] et je vois vraiment le travail de ma vie comme la poursuite significative de la réconciliation [et] de la décolonisation des systèmes et de nos façons d'être les uns avec les autres. En ce qui concerne le contexte de la conversation d'aujourd'hui, j'ai passé un certain temps à réfléchir à ce que cela signifie à l'ère du numérique. Donc, regarder vers l'avenir (et évidemment l'ici et maintenant)... qu'est-ce que cela signifie? J'ai donc eu le privilège de travailler avec le First Nations Technology Council [sur ces questions]. Je continue aujourd'hui à réfléchir activement à ces questions et j'ai récemment eu l'occasion de rédiger un chapitre sur certains de ces thèmes dans Connected Canada. Et j'ai hâte de déballer et d'explorer certains de ces éléments pendant le temps que nous passerons ensemble aujourd'hui.

Elizabeth: [00:01:19] Merveilleux. Merci.


Oui. Nous avons donc ce livre que j'ai aidé à coéditer et qui s'intitule « Citizenship and a Connected Canada », et votre chapitre, « Decolonizing Digital Spaces », est un chapitre que nous utilisons vraiment pour poser certaines des premières bases: Comment aborder l'élaboration des politiques et les programmes de recherche dans les nouveaux contextes numériques? Et: Comment nous assurer que cela répond aux besoins des citoyens?


J'aimerais donc commencer par prendre cette idée de décolonisation des espaces numériques, et je vais vous proposer quelque chose comme, « Voici mon point de vue comme chercheur en pol[itique] académique et en comm[unication] » , et [ensuite] je vais vérifier avec vous si j'ai atteint ou non la marque.


[00:02:02] Donc si nous allons dans l'académie « old school », les textes se lisent comme: La décolonisation est la suppression de la colonisation. C'est donc lorsque les colonisateurs partent et qu'ils emportent avec eux les relations d'exploitation qui ont été imposées par ces colonisateurs à leur profit et au détriment de, vous savez, « les autres », n'est-ce pas? Et donc cette vision de la décolonisation se retrouve dans certains des premiers travaux.


Mais maintenant, et comme cela est, je pense, reflété dans votre chapitre, nous parlons vraiment plus de: Comment réimaginer les relations existantes pour reconnaître ce passé d'exploitation, pour reconnaître le passé inéquitable, et dans de nombreux cas le présent, et ensuite essayer de rendre ce présent et ce futur plus équitables, plus inclusifs? Nous parlerons plus tard de toutes les façons dont nous pourrions le faire, mais dans les espaces numériques, cela pourrait signifier des choses comme s'assurer que la fracture numérique est éliminée, [ou s'assurer] que nous avons un accès, une disponibilité et des compétences égales. Ou encore, soutenir les entreprises technologiques et les innovateurs dirigés par des Autochtones, de manière à ce qu'ils ne soient pas simplement le fait de la classe dominante, quelle qu'elle soit, mais qu'ils [soient au contraire] ouverts à toutes les personnes qui vivent dans cette région, qui utilisent ces outils numériques et qui vivent dans ces espaces numériques.


[00:03:16] Alors, comment je m'en suis sorti? Cela correspond-il à ce que vous avez compris? Qu'est-ce que je manque?

Alexander: [00:03:22] Je pense que la décolonisation est un point de départ important pour cette conversation, et pour déballer ce que cela signifie en termes d'approche, en termes de manière d'être. Et je pense que c'est vraiment beaucoup plus large que la simple suppression. C'est quelque chose que j'ai vraiment essayé d'aborder dans ce chapitre, à savoir que la décolonisation est aussi une question de recentrage. Il s'agit de reconnaître l'innovation comme quelque chose d'intrinsèque à ces territoires, aux nations sur lesquelles le Canada colonial a été placé de force, et de passer à un stade où nous reconnaissons, célébrons, respectons et honorons cela aussi.


[00:04:05] Et donc, oui, pour moi, la décolonisation est beaucoup plus large qu'un simple dépouillement. C'est aussi une reconstruction—comme vous l'avez dit, une réimagination. Et je pense que ce qui est vraiment passionnant quand on se tourne vers l'avenir, c'est de savoir comment on peut réimaginer certaines de ces choses. Et j'insiste dans mon livre sur le fait que, [qu'il s'agisse] d'espaces numériques ou physiques, [cela] commence vraiment par nous, en tant qu'individus. Et puis, à partir de là, cela se traduit par certains de ces outils qui façonnent notre vie quotidienne. Et donc, oui, c'est un terme très large.


[00:04:36] Pour ma part, dans le cadre de ma pratique et de mon approche, j'en suis venue à utiliser ce terme beaucoup plus régulièrement que celui de réconciliation (qui, à bien des égards, est coopté et politisé et a fini par avoir moins de sens pour beaucoup de gens que celui de décolonisation, qui s'attaque en fait aux problèmes plus systémiques et aux injustices systémiques). Et je pense que c'est ce qui est si important et qui est aussi si important dans cette conversation: pas seulement des changements de surface, mais un changement transformateur profond. Et je pense que c'est ce qui est pris en compte lorsque nous parlons ou utilisons le cadre de la décolonisation.

Elizabeth: [00:05:17] Absolument, je pense que c'est logique, et je pense que l'idée de décolonisation est quelque chose dont tout le monde peut faire partie, non? Les conversations autour de la réconciliation donnent souvent l'impression d'être une affaire de gouvernement et de rapport, et d'être en quelque sorte distinctes de la vie quotidienne des gens. Et c'est, je pense personnellement, complètement injuste. Mais comme vous l'avez dit, c'est un mot qui a été réutilisé, recadré, et qui signifie différentes choses une fois qu'il a été politisé. C'est pourquoi j'aime aussi le terme de décolonisation parce qu'il permet aux gens de prendre part à ce processus de recentrage.


[00:06:01] Et je pense que votre chapitre fait quelque chose de vraiment intéressant, c'est de jeter un coup d'œil à l'histoire de la big tech et de nous ramener aux racines de la façon dont nous voyons la Silicon Valley—qui est, comme, un tas de mecs blancs—et leur pouvoir de créer cet espace numérique dans lequel nous devons exister. Et ensuite, comment tu nous amènes de cette route originale jusqu'à, « Okay, et qu'est-ce qu'on fait maintenant? ».

Alexander: [00:06:30] Oui. A bien des égards, la décolonisation est un appel à l'action, et je pense que c'est, comme vous l'avez dit, une opportunité pour nous tous de nous impliquer. Et je pense que ce chapitre retrace l'histoire de la Silicon Valley qui, à bien des égards, reflète ou reproduit l'histoire de la construction coloniale connue sous le nom de Canada. Si vous regardez une photo des « pères fondateurs » de l'entreprise coloniale connue sous le nom de Canada—très similaire—si vous la regardez et si vous la comparez aux données démographiques de la Silicon Valley. Et particulièrement si vous regardez certains de ceux qui ont vraiment fondé ou façonné ou influencé une partie de ce qui est maintenant devenu des grandes entreprises technologiques [« big tech »]. Et donc, lorsque nous parlons d'espaces numériques, je pense qu'il est très important de commencer par ce contexte et cet arrière-plan historiques, car vous pouvez très clairement et rapidement voir comment certaines de ces mêmes forces de colonisation et de violence coloniale, du capitalisme, tout comme elles ont façonné nos espaces physiques, façonnent également nos espaces numériques.


[00:07:37] Et ce que j'essaie vraiment de souligner dans ce chapitre, c'est de comprendre cette histoire et en prenant mieux conscience des racines de la Silicon Valley, qui [est] essentiellement composée d'hommes blancs. [Et ces hommes viennent souvent d'un] parcours militaire, également; [il y a eu] beaucoup de soutien militaire et gouvernemental [de la Silicon Valley]. On se rend très vite compte que la technologie que nous utilisons n'est pas neutre. Et comme je l'ai dit plus tôt, en termes de décolonisation étant un appel à l'action, je pense que lorsque vous réalisez que la technologie n'est pas neutre, qu'elle est politisée et que l'utilisation de la technologie est un acte politique, alors il y a une plus grande volonté de s'engager dans certaines de ces conversations sur, « Okay, si ce n'est pas neutre, alors qu'est-ce que cela signifie d'apporter un ensemble de valeurs dans l'espace? Et comment se battre et plaider pour un espace numérique qui soit équitable et juste, au lieu de le voir comme une toile vierge sur laquelle on peut peindre ce qu'on veut? ». Et donc je pense que, oui, la partie historique est très, très importante à cet égard.

Elizabeth: [00:08:40] Oui, je suis d'accord. Et c'est intéressant parce que dans l'histoire de l'internet, nous parlons souvent de la façon dont les premiers fondateurs de l'internet et des technologies connexes y voyaient une utopie numérique: tout allait être démocratisé, tout le monde allait avoir un droit de parole égal. Mais bien sûr, les personnes qui avaient le pouvoir de créer les premières versions de l'internet et les premières technologies étaient les personnes qui occupaient actuellement des positions de pouvoir dans la société au sens large. Et leur vision de ce à quoi ressemblait ce monde démocratisé ne prenait pas en compte la manière dont il allait peut-être intégrer les inégalités existantes dans la société. Et comme nous l'avons vu, il s'avère que les gens restent des gens lorsqu'ils utilisent la technologie et que ces types de systèmes sociaux se reproduisent et sont parfois exacerbés, et ce de manière vraiment problématique.

Alexander: [00:09:35] Oui. Et le cadre de l'utopie, je pense, est bon. Mais c'était en grande partie une utopie de la blancheur, tout comme l'a été et continue de l'être la construction coloniale du Canada. Dans le chapitre, j'ai fait référence à la publicité d'Apple ou la publicité de Steve Jobs qui dit, « [traduction] Ceux qui pensent être assez fous pour changer le monde sont ceux qui le font ». Et je fais une note de référence pour dire, « Oui... si vous avez accès, si vous avez les ressources, si vous êtes un homme blanc travaillant dans un système qui est conçu pour vous soutenir et pour élever vos idées et votre approche. » Nous ne pouvons pas perdre cela de vue. Je pense que c'est un élément très important. Quand vous pensez à un programme sur votre ordinateur—il y a des lignes de code qui ont été écrites par un humain. Et c'est pourquoi quand nous parlons de décolonisation des espaces numériques, cela commence vraiment par l'individu parce qu'il s'agit de ce que cet individu transporte dans son travail quotidien quand il s'assoit pour taper ces choses sur son clavier. Et donc, oui, c'est un élément vraiment, vraiment important de cette conversation aussi.

Elizabeth: [00:10:43] Je suis d'accord. Je suis d'accord. Il est essentiel de réfléchir non seulement aux structures politiques à grande échelle, mais aussi aux structures organisationnelles et aux opportunités, structures, et défis individuels. Toutes ces choses jouent un rôle crucial dans ce système.


[00:11:04] Et cela renvoie à ma prochaine question, [qui aborde] toujours [le problème] sous l'angle de l'encadrement. L'une des choses dont il est devenu assez courant de parler parmi les personnes qui travaillent dans le domaine de la technologie, c'est: « Comment intégrer, ou construire, l'inclusion et l'équité? Comment construire de manière à ce que tout le monde puisse avoir accès à ces outils et à ce qu'il n'y ait pas de discrimination involontaire dans la manière dont ces outils sont créés ou les services sont conçus? » Et cette conversation sur l'équité et l'inclusion semble très similaire à certaines des questions que vous avez soulevées sur la décolonisation de l'espace numérique. Et je me demande quelle relation vous voyez, le cas échéant, entre ces conversations sur la construction pour l'équité et de l'inclusion et la décolonisation des espaces numériques?

Alexander: [00:11:56] Oui. Je pense qu'ici il s'agit vraiment, encore une fois, de faire un parallèle avec l'espace physique du Canada—et il y a même cette idée de citoyenneté [impliquée]. Pendant si longtemps, [la conversation] tournait autour—et on le voit à travers les politiques d'émancipation ancrées dans la Loi sur les Indiens—de la question, « Comment faire en sorte que les Autochtones fassent partie de l'État colonial canadien? ». Contrairement à ce que nous préconisons aujourd'hui, c'est-à-dire une relation de nation à nation.


[00:12:29] Et je vois quelque chose de très similaire se produire dans le secteur de la technologie, à savoir: « Comment s'assurer que les Autochtones, [et] les autres personnes racialisées, comment les faire entrer dans cette structure existante? ». [Une structure] qui n'a jamais été conçue pour les servir; qui n'a jamais tenu compte de leurs besoins, de leurs désirs, de leurs aspirations; qui, à bien des égards, a été fondamentalement conçue pour exclure, marginaliser et opprimer. Par opposition à « Comment créer un espace numérique dans lequel les Autochtones, les personnes racialisées, celles qui n'ont pas participé à ces espaces et à ces conversations en termes de développement du secteur technologique, comment peuvent-ils montrer la voie? Et comment peuvent-ils avoir une influence sur la direction que nous prenons dans ce travail? »


[00:13:14] Et donc, pour moi, lorsque nous envisageons de décoloniser les espaces numériques, c'est là le cœur du problème. Cette idée des droits, de la souveraineté, et de l'agence des Autochtones est en fait la capacité de définir les termes et le ton de cette conversation. Ainsi, plutôt que d'avoir une grande entreprise technologique qui dit: « Nous aimerions vraiment que nous puissions augmenter notre taux de représentation » (qui est actuellement abyssal dans le secteur technologique), au lieu de cela, [décoloniser signifie demander]: « Comment pouvons-nous réellement fournir des ressources aux innovateurs autochtones qui créent leurs propres plateformes et initiatives ou qui travaillent pour leurs nations ou leurs communautés? » [Les travaux] qui sont vraiment progressifs et dont nous pourrions tous tirer des leçons et nous inspirer pour faire avancer les choses et les adapter de manière équitable. Et donc, oui, pour moi, quand on parle de décolonisation des espaces numériques, il ne s'agit pas de: « Comment pouvons-nous légèrement refaire ces changements dans les marges? » C'est plutôt: «Comment pouvons-nous recentrer toute cette conversation et tout cet espace?

Elizabeth: [00:14:21] Oui, ça a beaucoup de sens.


[00:14:25] L'une des choses que, dans certains de mes travaux sur l'apprentissage automatique—qui n'est que tangentiellement lié à cette conversation actuelle—mais l'une des choses dont nous parlons est la façon dont il y a ce désir dans l'industrie technologique d'être tout pour tout le mond . Et [que] la structure d'investissement de la Silicon Valley est telle que vous avez besoin d'une croissance exponentielle tout le temps. Et l'un des problèmes est le suivant: Si vous appliquez un outil d'apprentissage automatique développé dans un contexte donné à un contexte complètement nouveau, vous n'allez pas y arriver! Il faut en quelque sorte être dans ce contexte réel pour pouvoir le faire correctement. Et cela s'applique à beaucoup de développements technologiques. Et je pense que ce que vous avez décrit a du sens, aussi, en termes de: « Comment créer le meilleur outil? » Même si nous prenons cela de la perspective capitaliste, « Pourquoi voudrais-je décoloniser l'espace numérique? » [Eh bien,] parce que vous ferez de meilleures choses si vous travaillez réellement avec les personnes qui vont utiliser ces choses et si vous faites vous-même partie de ces communautés!

Alexander: [00:15:30] Totalement . Je pense que dans un espace plus académique, on pourrait l'appeler « la conception centrée sur l'utilisateur », [mais] je pense que c'est la dignité et les droits humains [qui sont] au cœur de cette conception. Mais vous savez, cela se résume vraiment à cette idée, et j'y fais référence dans le chapitre: la déconnexion entre la demande du marché et les droits des citoyens, et les droits des nations—les droits des nations Autochtones. Et d'avoir réellement cette agence dans cette conversation, et de façonner ces outils, au lieu d'en être le bénéficiaire final et de ne pas avoir voix au chapitre.


[00:16:10] Vraiment, lorsque nous parlons de décolonisation des espaces numériques, ces forces du marché—et vous avez mentionné ce désir d'échelle, de réplication, de maximisation de la part de marché, toutes ces choses—ne servent personne, sauf les intérêts des entreprises. Et dans ce sens, il s'agit vraiment d'une conversation pour tous ceux qui sont mal desservis, [et pour tous] qui ne sont pas les jeunes programmeurs masculins blancs qui dominent dans ces espaces.

Elizabeth: [00:16:44] Mm hmm.

Alexander: [00:16:45] Tout le monde bénéficiera de cette structure de pouvoir et d'agence beaucoup plus diversifiée en termes de façonnage de ces outils qui sont devenus si fondamentaux dans nos vies.

Elizabeth: [00:16:57] Absolument. Cela semble être un bon moment pour passer à «Très bien, qu'est-ce qu'on fait?. Comment le réparer? Où allons-nous à partir d’ici? » Évidemment, dans le chapitre, tu énumères un tas de choses, [mais] je me demande quelles sont tes choses prioritaires à faire pour les prochaines étapes?

Alexander: [00:17:17] Oui. Je pense donc que pour moi, le travail individuel est toujours la priorité absolue (comme je l'ai mentionné au début de notre conversation). Et ce travail est permanent. Ce que je crains, pour certaines personnes, en particulier avec la publication de la Commission de la vérité et de la réconciliation en 2015, il y a eu une grande poussée pour l'éducation et la sensibilisation, notamment en ce qui concerne la violence coloniale et le génocide de l'histoire du Canada colonial. Ce que je crains, c'est que cet élan se ralentit et que les Canadiens aient l'impression que la reconnaissance territoriale au début de leurs événements ou de leurs discussions est suffisante. Et donc je continue vraiment à pousser et à plaider pour que les gens aillent plus loin et comprennent. Et c'est là que le cadre de la décolonisation par opposition à la réconciliation entre en jeu: voir comment les forces et la violence coloniales ont façonné une grande partie de nos vies. Vraiment, dans tous les secteurs, dans tous les aspects de nos vies, il y a des façons dont la colonisation a façonné et influencé cet espace. Et évidemment, l'espace numérique est l'un de ces espaces qui doit vraiment être examiné sous cet angle. Et donc, pour continuer ce travail, pour continuer à approfondir ses propres compréhensions, réflexions et actions, en fin de compte. Je pense que c'est l'autre partie de tout cela: ne pas se contenter de sensibiliser—parce que cela n'aboutit pas à un changement tangible dans le monde—mais passer réellement à l'action.

[00:18:53] Et cela m'amène au deuxième élément, qui, en relation avec ces conversations, est de commencer par un travail de sensibilisation. Pour commencer à faire pression pour combler le fossé numérique. Nous parlons dans cette conversation d'outils et de plateformes numériques, mais il y a encore beaucoup trop de gens sur l'Île de la Tortue—les nations Autochtones, mais aussi les communautés rurales éloignées—qui n'ont même pas cet accès de base [à l'internet] ou qui paient un prix exponentiel par rapport à ceux qui vivent en milieu urbain pour une bande passante bien moindre. En termes de juste ça, oui, cet accès de base. [Il faut] donc commencer par plaider pour cela, en faire une priorité. Il est clair qu'étant donné que le secteur de la technologie est tellement dirigé par les forces des entreprises, ce ne sont pas nécessairement les entreprises canadiennes qui vont régler ce problème. Il s'agit d'un domaine dans lequel les gouvernements doivent intervenir—en particulier lorsqu'il est question de droits pour tous, et de considérer l'accès au numérique comme un droit humain fondamental à notre époque—afin de réduire la fracture numérique. Et je pense que tout le monde peut plaider pour cela et faire pression en ce sens.


[00:20:08] Et puis, en termes de cette grande image dont nous parlons... En termes de grandes technologies et de leur relation avec les gouvernements coloniaux. Il est évident que ce que l'on appelle le Canada est très largement à la merci de la Silicon Valley. Nous dépendons vraiment d'une administration américaine pour s'occuper de ces entreprises technologiques (et nous commençons à entendre des murmures à ce sujet, bien qu'il soit intéressant de voir si cela mène quelque part). Mais cela ne signifie pas que nous ne pouvons rien faire ici. Et je pense qu'il faut vraiment, surtout au niveau fédéral, faire pression pour une Charte des droits numériques beaucoup plus complète. Je sais que des conversations sont en cours à ce sujet [déjà], mais [le gouvernement canadien doit] vraiment apprendre de l'Union européenne en particulier sur la façon dont ce processus s'est déroulé pour eux, tirer certaines de ces leçons, [et] consacrer cela pour finalement obliger ces sociétés à mettre en place une certaine réglementation et à travailler réellement pour accéder à cette « base de marché ». Je pense que c'est quelque chose qui est tellement, tellement essentiel.


[00:21:16] Et depuis trop longtemps, nous avons—et cela nous ramène à notre conversation précédente sur la technologie considérée comme neutre... Une partie de la raison pour laquelle il est considéré comme neutre [est qu'il] a été très intentionnel de la part des entreprises technologiques afin qu'elles puissent éviter cette réglementation. Ils voulaient l'autorégulation. Et nous avons clairement vu que cela ne fonctionne pas. Et c'est donc aux gouvernements de mettre en place certains de ces contrôles et équilibres.

[00:21:42] En outre, en plus de la réglementation de ces entreprises, il faut également disposer des outils nécessaires pour répondre de manière significative aux problèmes de négligence et de comportement préjudiciable. Nous voyons, en particulier après l'insurrection du Capitole à Washington, beaucoup d'entreprises technologiques qui réalisent à quel point leurs plateformes ont joué un rôle dans cet événement—jusqu'au Bureau ovale à l'époque. Mais nous devons vraiment trouver des moyens d'y répondre et de comprendre que, en particulier pour les communautés BIPOC, [et] les communautés 2SLGBTQ+, les espaces en ligne ne sont pas des espaces sûrs. Des mesures doivent être mises en place pour vraiment protéger les gens et réagir lorsque des actes préjudiciables sont commis en ligne. Il est donc nécessaire de renforcer la réglementation, mais aussi de mettre en place davantage de cadres et de plateformes pour y remédier.

Elizabeth: [00:22:49] Oui, nous avons vu dans la recherche académique que ces politiques de modération de contenu (comme un exemple d'autorégulation) affectent de manière disproportionnée les communautés marginalisées, [et] les personnes racialisées. Ils sont l'outil utilisé par de nombreux Blancs pour tenter de faire taire les non-Blancs. Et ce n'est pas une bonne chose, mais il n'y a pas de cadre gouvernemental pour empêcher cela. Il y a très peu de transparence ou de responsabilité pour ces plateformes. Et donc, le genre de choses dont vous parlez, « Nous devons avoir une sorte de surveillance gouvernementale, une contribution gouvernementale, ici, » sonne vraiment juste.


[00:23:30] Bien sûr, l'exemple de début janvier aux États-Unis sur le Capitole a vraiment mis en lumière la mesure dans laquelle les plateformes contrôlent le flux de discours et d'informations politiques dans nos communautés. Mais cela dure depuis longtemps, et il est donc essentiel d'essayer de trouver de nouvelles façons de comprendre nos environnements informationnels. Vous savez, surtout [à] l'époque du COVID: nous passons tous nécessairement beaucoup plus de temps en ligne. Nous n'avons pas le choix, n'est-ce pas? Ce n'est pas juste comme, « Oh, bien, il suffit de ne pas participer à l'espace numérique et vous êtes bon! » Comme, ce n'est pas une chose que nous faisons plus. Tout le monde doit [participer en ligne].

Alexander: [00:24:11] Totalement. Et je dirais que la raison pour laquelle nous n'avons pas vu d'action significative à ce sujet est qu'il n'y a pas d'incitation pour les entreprises technologiques. Et comme vous l'avez dit, c'est pourquoi les gouvernements doivent intervenir. Il y a eu le fameux exemple de Facebook—en termes de modération de contenu, comment il définissait la suprématie blanche. [La définition] a été extraite d'une page Wikipedia. Et [cela] montre le peu de cas que l'on fait de cette question, car pour beaucoup de ces personnes [qui ont créé la politique de modération du contenu], [la suprématie blanche] n'était pas une réalité quotidienne en termes de discours haineux, d'abus ou de violence en ligne. Et donc il n'y a pas cette structure d'incitation pour eux. Et c'est vraiment un domaine dans lequel les gouvernements doivent intervenir et protéger leurs citoyens quant à la manière dont ils s'engagent sur Internet. Comme vous l'avez dit, en particulier à une époque où nous sommes si dépendants des espaces numériques pour la connexion, la communication et nos moyens de subsistance. Ce n'est pas, comme vous l'avez dit, un moyen de se retirer de cet espace, [ou] de cette conversation, et nous devons donc vraiment nous assurer que tout le monde a cet accès équitable et aussi les protections en ligne.

Elizabeth: [00:25:25] Absolument.


[00:25:26] Nous arrivons donc à l'heure, mais il y a un autre point sur le front de « ce que nous pouvons ou devrions faire » que je voulais soulever parce que vous l'avez mentionné dans votre chapitre de livre. C'est cette idée d'investissements durables. Et j'ai pensé que c'était vraiment crucial; l'idée d'investir dans la formation aux compétences numériques dans les communautés éloignées, de soutenir les innovateurs indigènes et les entreprises et outils qu'ils créent. Et j'ai pensé que c'était tellement essentiel que je voulais m'assurer que nous prenions quelques secondes au moins pour le reconnaître.

Alexander: [00:25:58] Absolument. Absolument. Et je pense que c'est là encore que, pour passer de la prise de conscience à l'action, [il est important que] les individus soutiennent une partie de ce travail—et cela inclut les politiques d'achat. Il existe d'incroyables organisations et initiatives dirigées par des Autochtones qui font tout, de la conception de sites web à tout-ce-que-vous-voulez dans le domaine des technologies. Le soutien à ce type d'organisations [est donc une action importante]. Il y a un nombre florissant d'Autochtones en ligne qui utilisent les plateformes numériques pour vendre des broderie de perles, pour s'engager et se connecter autour de certains de leurs écrits, et pour s'en servir comme plateforme de défense. Il s'agit donc de soutenir ce travail, d'identifier certains de ces « Indigenous innovators » qui font des choses incroyables, et d'amplifier ce travail. Qui suivez-vous sur les médias sociaux? Toutes ces petites choses sont tellement, tellement importantes et constituent des moyens tangibles par lesquels les individus peuvent vraiment mettre leurs dollars, leurs bouches et leurs actions au travail. Soutenir l'entrepreneuriat autochtone en ligne, soutenir les innovateurs autochtones, soutenir les droits des défenseurs et des militants autochtones à s'exprimer librement en ligne—toutes ces choses sont des choses que nous devrions tous faire activement dans notre vie quotidienne.

Elizabeth: [00:27:22] Oui, et dans les notes de l'émission, j'ajoute des lectures et des ressources supplémentaires, donc en plus des lectures académiques que j'ai déjà prévues, nous ajouterons des liens que les gens pourront suivre s'ils sont intéressés par la recherche de ce genre de ressources et la connexion avec différentes organisations travaillant dans cet espace.

Alexander: [00:27:42] Parfait. Parfait.

Elizabeth: [00:27:43] D'accord, alors finissons-en. Nous terminons Wonks and War Rooms avec un petit quiz rapide à chaque fois. Ce qui [aujourd'hui] est en fait: si l'on vous demandait, dans un questionnaire à réponse courte, d'expliquer les bases de « Qu'est-ce que la décolonisation de l'espace numérique? », que diriez-vous? [Quelles seraient] vos deux phrases?

Alexander: [00:28:04] Oh, les questionnaires surprises..

[00:28:09] Donc, pour moi, je dirais: les espaces numériques ne sont pas des espaces neutres. Et, tout comme dans les espaces physiques [où] nous avons la responsabilité de poursuivre de manière significative les actes de décolonisation et le travail de solidarité, nous devons faire les mêmes choses dans les espaces numériques. Pour ce faire, nous devons réfléchir de manière critique aux outils que nous utilisons, faire pression et plaider pour une véritable équité et inclusion dans les espaces en ligne, et travailler ensemble à l'élaboration d'un avenir pour ces plateformes qui permette à tous de s'exprimer.

Elizabeth: [00:28:46] C'est fantastique. C'est parfait. Merci.

Alexander: [00:28:51] Merci. Ce fut un tel plaisir. Merci.

Elizabeth: [00:28:57] Très bien, c'était notre épisode sur la décolonisation des espaces numériques. Si vous souhaitez en savoir plus sur cette idée ou sur l'une des autres théories ou concepts dont nous avons parlé aujourd'hui, rendez-vous sur polcommtech.ca ou consultez les notes de l'émission.


Logo pour la saison 2 du balado Wonks and War Rooms

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